Roger Joseph Boscovich

12 Jan 2016 par

Vie de Roger Joseph Boscovich

Par Branislav Petronievic
Professeur à l’université de Belgrade

 

Le monde slave étant encore dans son enfance a malgré un nombre considérable de scientifiques été incapable de contribuer aussi largement à la science en générale que les autres grandes nations européennes. Il a néanmoins démontré sa capacité à produire des œuvres scientifiques de la plus haute valeur. Par dessus tout comme je l’ai indiqué par ailleurs il possède Copernic, Lobatchevski, Mendeleïev et Boscovich.

Dans cet article je me propose de décrire brièvement la vie du Yougoslave Boscovich, dont la principale œuvre est ici publiée pour la sixième fois ; la première édition étant parue en 1758 et les autres en 1759, 1763, 1764 et 1765. Le présent texte appartient à l’édition de 1763, la première édition vénitienne, revue et augmentée.

Du coté de son père, la famille de Boscovich est purement d’origine serbe, son grand père Bosco ayant été un paysan serbe orthodoxe du village de Orakova en Herzégovine. Son père, Nicola, fut d’abord un marchand à Novi Pazar (vieille Serbie) mais il s’installa plus tard à Dubrovnik (Raguse), la fameuse république du sud de la Dalmatie où son père Bosko le suivit bientôt et où Nicola devint catholique romain. Pavica la mère de Boscovich appartient à une famille italienne de Betere qui s’était établie à Dubrovnik pendant un siècle qui se slavonisa en Bara Betere, le père de Pavica ayant été un poète réputé à Raguse.

Roger Joseph Boscovich (Rudjer Josip Boskoviæ en serbo-croate), naquit à Raguse le 18 septembre 1711 et fut l’un des plus jeunes membres d’une grande famille. L’enseignement primaire et secondaire lui fut prodigué au collège jésuite de sa ville natale. Il devint en 1725 membre de l’ordre des jésuites et fut envoyé à Rome où de 1728 à 1733, il étudia la philosophie, la physique, les mathématiques au Collegium Romanum. De 1733 à 1738, il enseigna la rhétorique et la grammaire dans diverses écoles jésuites. Il devint professeur de mathématiques au Collegium Romanum, poursuivant en même temps ses études en théologie jusqu’en 1744, année où il devint prêtre et membre de son ordre.

En 1736 Boscovich commença son activité littéraire avec le premier fragment « De Maculis Solaribus », un poème scientifique « De Solis ac Lunae Defectibus » et presque chaque année suivante il publia au moins un traité sur quelque problème scientifique ou philosophique. Sa réputation de mathématicien était déjà établie quand il fut chargé par le Pape Benedict XIV d’examiner avec d’autres mathématiciens les causes de la faiblesse de la coupole de Saint Pierre de Rome. Peu de temps après le Pape le délégua pour considérer divers autres problèmes, tels que le drainage des marais Pontins, la régularisation du Tibre et cætera. En 1756 il fut envoyé par la république de Lucca à Vienne comme arbitre du conflit entre Lucca et Toscane      . Durant son séjour à Vienne, l’impératrice Marie-Thérèse commande à Boscovich d’examiner la construction de lka bibliothèque impériale à Vienne et la Coupole  de la cathédrale de Milan. Mais ce séjour à Vienne qui dura jusqu’en 1758 entraîna encore d’autres conséquences importantes ; Boscovich trouva le temps de terminer son œuvre principale « Theoria Philosophiae Naturalis »dont la publication fut confiée à un Jésuite Père Scherffer ; Boscovich devant quitter Vienne, la première édition parut en 1758, suivie d’une seconde édition l’année suivante. De ces deux éditions Boscovich fut en fin de compte, mécontent (voir les remarques faites par l’imprimeur qui prit en charge la troisième édition à Venise, données dans ce volume). Une troisième édition fut donc publiée à Venise revue, augmentée et reprise sous la supervision personnelle de l’auteur en 1763. La révision était tellement importante que l’imprimeur remarque : « Cela doit être considéré d’une certaine façon comme une première édition originale » à tel point qu’elle a servie de base à cette traduction publiée maintenant, les quatrième et cinquième éditions suivirent en 1764 et 1765.

L’une des plus importantes tâches dont Boscovich fut chargé fut d’entreprendre la mesure d’un arc de méridien dans les Etats Papaux. Boscivich fut désigné pour prendre part à une expédition portugaise au Brésil pour le même motif. Mais il fut persuadé par le Pape Benedict XIV en 1750 de conduire en collaboration avec un jésuite anglais Christopher Maire, les mesures en Italie. Les résultats de ce travail furent publiés en 1755 par Boscovich dans un traité « De litteraria expeditione per Pontificam ditionem » qui fut traduit en français sous le titre de « Voyage astronomique et géographique dans l’Etat de l’Eglise en 1770 ».

Par les nombreux traités scientifiques et dissertations qu’il a publié jusqu’en 1759 et par son ouvrage principal, Boscovich avait acquis une si grande réputation en Italie, voire en Europe dans son ensemble qu’il fut élu membre de nombreuses académies et de sociétés savantes.

En 1760, Boscovich qui jusque là avait été lié à l’Italie par son professorat de Rome, décida de quitter ce pays. Durant cette année nous le trouvons à Paris où il était allé comme compagnon de voyage du marquis Romagnosi. Quoique l’année précédente, l’ordre des Jésuites fut expulsé de France, Boscovich avait été reçu sur la force de sa grande réputation scientifique. Malgré cela il ne se sentait à l’aise à Paris, et la même année, nous le trouvons à Londres en mission pour mettre en valeur le caractère de sa région natale, le gouvernement britannique soupçonnant que Raguse était utilisé par la France pour armer des bateaux de guerre. Il accomplit cette mission avec succès. Il fut chaudement accueilli à Londres et fut élu membre de la Royal Society. Là il publia son ouvrage « De solis ac Lunae de Fectibus », le dédicaçant à la Royal Society.

Il fut chargé plus tard par la Royal Society d’aller en Californie pour observer le passage de Vénus sur le disque du soleil, mais n’étant pas consentant pour y aller, la Royal Society l’envoya à Constantinople dans le même but. Il ne put cependant arriver à temps pour faire l’observation et quand il arriva, il tomba malade et fut contraint de rester à Constantinople pendant sept mois. Il quitta cette ville en compagnie de l’ambassadeur anglais Porter, et, après un voyage à travers la Thrace, la Bulgarie et la Moldavie, il arriva finalement à Varsovie en Pologne. Il y resta pendant un temps comme hôte de la famille Poniatowski. En 1762 il retourne de Varsovie à Rome en passant par la Silésie et l’Autriche. La première partie de ce long voyage a été décrite par Boscovich lui-même dans son « giornale di un viaggo da Constantinopoli in Polonia »dont l’originale ne fut publié qu’en 1784 quoiqu’une traduction française parut en 1772 et une traduction allemande en 1779.

Peu après son retour à Rome, Boscovich fut nommé président de l’université de Pavie. Mais son séjour dans cet endroit ne fut pas de longue durée.        Déjà, en 1764, la construction de l’observatoire de Brera avait été commencé à Milan selon les plans de Boscovich, et en 1770 Boscovich en fut nommé le recteur. Malheureusement, seulement deux années plus tard il fut déchu de sa fonction par le gouverneur autrichien qui, dans une controverse entre Boscovich et un autre astronome de l’observatoire, le jésuite Lagrange prit le parti de son opposant. La position de Boscovich fut encore plus grandement compliquée par la dispersion de sa compagnie, car, par décret de Clément V l’ordre de Jésus avait été supprimé en 1773.

Dans la même année Boscovich maintenant libre pour la seconde fois, visita Paris à nouveau où il fut cordialement reçu dans les milieux officiels. Le gouvernement français le nomma directeur « d’optique marine » avec un salaire annuel de 8000 francs ; et Boscovich devint sujet français. Mais en temps qu’ex jésuite, il fut mal accueilli dans les cercles scientifiques. Le célèbre d’Alembert fut son ennemi déclaré ; d’un autre coté, le célèbre astronome Lalande fut son ami dévoué et admirateur. Particulièrement dans sa controverse avec Rochon sur la priorité de la découverte du micromètre et de nouveau dans sa querelle avec Laplace sur la priorité de l’invention de la méthode pour déterminer les orbites des planètes. L’hostilité ressentie dans les cercles scientifiques se montra d’elle-même. A Paris, en 1779, Boscovich publia une nouvelle édition de son poème sur les éclipses traduite en français et annotée, sous le titre « les éclipses » dédicaçant l’édition au roi Louis XV.

Durant son second séjour à Paris, Boscvich avait préparé une série complète de nouvelles œuvres dont il espérait qu’elles seraient publiées par la Presse Royale. Mais comme la guerre américaine d’indépendance était imminente il fut contraint en 1782 de prendre un congé de deux ans pour revenir en Italie. Il alla rendre visite à son éditeur à Bassano et là en 1785, furent publiés les cinq volumes de ses œuvres d’optique et d’astronomie « Opera pertinentia ad opticam et astrononima ».

Boscovich avait prévu de revenir à travers l’Italie de Bassano à Paris, en fait, il quitta Bassano pour Venise, Rome et Florence et vint à Milan. Là il fut retenu par la maladie et fut obligé de demander au gouvernement français une prolongation de son congé, une requête à laquelle il fut volontiers consenti. Sa santé, cependant, s’altéra, à laquelle s’ajouta de la mélancolie. Il mourut le 13 février 1787 à 76 ans.

La grande perte pour la science provoquée par sa mort fut largement commémorée dans l’éloge de son ami Lalande à l’Académie française dont il était membre et aussi dans celui de Franscesco Ricia à Milan et d’autres. Mais dans sa ville natale, ce fut sa Raguse aimée, qui a le plus largement célébré la mort du plus grand de ses fils par l’éloge du poète Bernardo Zamagna. Le magnifique tribut de sa ville natale fut entièrement mérité par Boscovich à la fois pour ses oeuvres scientifiques et pour son amour et son travail pour son pays.

Boscovich avait quitté son pays natal en tant qu’enfant et il n’y retourna après, seulement une fois, quand en 1947, il y passa l’été du 20 juin au 1er octobre. Mais il eut souvent l’intention d’y revenir. Dans une lettre datée du 3 mai 1774, il cherche à s’assurer une pension comme membre du collège jésuite de Raguse, il écrit « J’ai toujours espéré enfin de trouver ma véritable paix dans mon propre pays et, si Dieu le permet, d’y terminer mes vieux jours dans la quiétude ».

Bien que Boscovich n’ait rien écrit dans sa propre langue il la comprenait parfaitement, comme cela est montré dans sa correspondance avec sa sœur, par certains passages de ses lettres en italien et aussi son « Giornale » (p.31 et p.59 de l’édition française). Dans une querelle avec d’Alembert qui l’avait traité d’italien il disait nous pouvons noter ici à la première place que notre auteur est Dalmatien originaire de Raguse et non      Italien ; et c’est la raison pour laquelle Marucelli dans un récent travail sur les auteurs Italiens n’en fait aucune mention. Que le sentiment de sa nationalité slave était forte est prouvé par le tribut qu’il paye à sa ville et son pays natal dans sa dédicace à Louis XV.

Boscovich était à la fois philosophe, astronome, physicien, mathématicien, historien, mécanicien, architecte et poète. De plus c’était un diplomate et un homme du monde et pourtant un bon catholique et un membre dévoué de l’ordre des Jésuites. Son ami, Lalande a ainsi décrit son apparence de son caractère « Père Boscovich avait une grande stature, il avait une expression noble et était obligeant de nature. Il s’accommodait lui-même facilement des manies des grands avec lesquels il fut en fréquent contact. Mais son caractère était un brin hâtif et irascible, même avec ses amis. Sa manière donnait au moins cette impression mais ce seul défaut était compensé par toutes ces qualités qui faisaient de lui un grand homme. Il possédait une si forte constitution qu’il paraissait vraisemblable qu’il aurait pu vivre beaucoup plus longtemps qu’il ne le fit ; mais son appétit était grand et sa confiance dans la force de sa constitution l’empêchait d’accorder une suffisante attention au danger qui résulte toujours de cela ». Par d’autres sources nous apprenons que Boscovich ne prenait qu’un seul repas par jour : le déjeuner.

De son aptitude à être poète, Lalande dit « il était aussi lui-même un poète comme son frère qui fut aussi un jésuite ». Boscovich versifiait seulement en latin mais il composait avec une extrême facilité. A peine se trouvait-il en compagnie qu’il jetait à la tête quelques vers impromptus à des hommes connus ou des femmes charmantes. Pour ces dernières il ne leur accordait pas beaucoup d’attention car son austérité était toujours exemplaire. Avec de tels talents on ne peut s’étonner qu’il fut partout apprécié et recherché, ministres, princes et souverains le recevaient tous avec la plus grande distinction. M de Lalande en eut le témoignage dans chaque partie de l’Italie où Boscovich l’accompagna en 1765.

Boscovich connaissait plusieurs langues : latin, italien, français, de même que le serbo-croate de sa naissance que malgré la longue absence de son pays, il n’oublia pas. Quoiqu’il ait étudié en Italie et qu’il ait passé la plus grande partie de sa vie dans ce pays il n’avait jamais pénétré l’esprit de la langue comme le note son biographe italien, Ricca. Sa maîtrise du français était encore plus défectueuse mais malgré cela des hommes de science le pressèrent d’écrire en français. Il ne comprenait pas l’anglais comme il l’avoue dans une lettre à Priestley bien qu’il ait pu glaner quelques mots de conversation polie pendant son séjour à Londres.

Sa correspondance est énorme. La plus grande partie a été publiée dans Les Mémoires de l’Académie Yougoslave de Zagreb, 1887 à 1912.

 

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Voir aussi le livre XII RJ Boscovich

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