Le Dieu-énergie

Pour un scientifique, son Dieu est l’énergie au même titre qu’Allah ou Jéhovah ou l’absolu pour les philosophes. Il s’adonne pour vénérer ce Dieu, à des sacrifices. Ce sont les expériences qui sont réalisées sur l’autel de la science. Ces expériences assorties de prières pour obtenir une conformité selon lui, entre « sa » théorie et les évènements qu’il va provoquer en soumettant les particules et atomes à d’énormes chocs destructifs. Les collisionneurs sont les cathédrales, les mosquées ou les temples construits pour adorer le Dieu-énergie et faire qu’il se manifeste par des miracles qui sont les évènements imprévus qui vont bouleverser les habitudes de pensée comme l’expérience Michelson-Morley sur la vitesse de la lumière ou la catastrophe ultra-violette résolue par Planck.

On sait que le scientifique au vu de ces expériences a décrété que « c », vitesse maximum indépassable et réalisée par un être non pesant le photon, et « h » minimum d’action possible dans la nature et qui ne peut se fractionner étaient des « constantes » de la nature.

C’est le nouveau catéchisme, énonciateur de dogmes auxquels il faut « croire ». Quand on ne sait pas expliquer une chose on la met sur les fonds baptismaux, on l’affuble d’un nom, d’un symbole (exemple i=√-1) et on va faire « comme si » cet être existait vraiment.

On bâtit un évangile sur ces êtres conceptuels sans penser que ces édifices intellectuels reposent sur des bases fragiles, sur des axiomes simplificateurs à l’extrême. C’est Gödel qui a montré que ces constructions mentales reposaient sur des fondations précaires pouvant s’effondrer sous le vent du moindre doute, de la plus petite contradiction, et qu’il fallait alors élargir les principes basiques. Mais l’homme est infatigable. Après chaque tremblement de terre, il reconstruit obstinément. Le monde est ainsi, il s’auto détruit pour se reconstruire inlassablement. Au-delà de tous ces bouleversements matériels ou spirituels, il y a quelque chose qui reste inaltérable et seulement déformable. Ce fonds où tout ce qui est prélevé doit être restitué dans un délai dépendant de ce qui est saisi, est l’énergie.

Comme Dieu, l’énergie est méconnaissable par elle-même. Elle ne sait que manifester sa présence probabilitaire. Elle est un total mystère sur sa nature. Nul homme n’a pu transpercer le brouillard de la diversité qu’elle répand sur son origine. Pourquoi en aurait-elle une ? Dans ce cas, elle aurait une durée et peut être une extinction.

Mais c’est introduire la notion de temps auquel l’énergie est complètement insensible dans le sens où elle ne peut être ni créée ni détruite. Si elle se conserve c’est qu’elle a vaincu l’érosion du temps, mais elle est dominée par l’espace qui l’engloutit et la disperse. Elle s’étale dans cet espace. Pourquoi cet éparpillement ? Sans doute parce qu’elle cherche à se nier elle-même. Elle lute contre sa propension à se grouper pour former la matière.

Dans ce combat interne de deux tendances opposées, l’une voulant abolir tout mouvement et rechercher la mort thermique et l’autre voulant s’agiter, s’unir, se concentrer il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. L’ensemble oscille perpétuellement autour d’une moyenne, d’un milieu dans le sens de partager en deux. C’est ainsi que naissent les nombreux cycles qui se traduisent par le monde sensible et nous sont accessibles. Sans les cycles, on ne connaitrait rien. Ces cycles sont longs ou courts et s’additionnent comme des logarithmes, l’énergie étant leur exponentielle. L’univers est tendu par des cordes vibrantes stationnaires avec un certains nombre de voutre et de nœuds qui se traduisent par notre système de numération par entiers. Comme l’énergie dont il est issu, le cycle ne se fractionne pas. Il reste entier d’où l’apparition des nombres entiers. L’univers est « fouriériste » c’est-à-dire conforme à la conjecture de Fourier le mathématicien et non le sociologue. Il est composé comme une partition musicale d’harmoniques affectées de coefficients de probabilité de présence. C’est cette musique qui nous est accessible. Le Mozart qui l’a composé nous est strictement inconnu et inaccessible. Comme Dieu il se cache. Il ne laisse percevoir que sa création. Comme nous avons la manie de baptiser ce que nous ne pouvons connaitre et bien, appelons cela « ENERGIE ».

Pourquoi pas ? Dommage que dans les cycles que cette énergie laisse apparaitre, il y ait la naissance et sa contrepartie la mort. Mais s’il n’y avait pas cela nous ne serions pas là pour en parler. Le principe anthropique n’est que la conséquence de ces cycles dont nous sommes issus. Sans cette lutte éternelle entre le néant et l’action dont nous ne sommes que le produit, rien ne pouvait se manifester. Le néant ne peut rien produire. Il ne peut « être ». Mais il est un pôle étrange d’attraction en lutte avec l’autre pôle rassembleur, opposé. Le combat se déroule autour de la moyenne statistique. Une chose n’est jamais parfaitement ce qu’elle devrait être. Son statut oscille autour d’une valeur moyenne qu’elle n’atteint jamais. Il y a, compte tenu de la quantité énorme de phénomène, une recherche stochastique d’équilibre. C’est ainsi qu’on peut trouver une explication à la loi des grands nombres. Au bout d’un certain nombre de jets d’une pièce de monnaie, la quantité de côté pile tend à s’égaliser avec la quantité de côté face. L’oscillation autour de la moyenne s’amortit avec le grand nombre. Car l’ensemble des évènements recherche le repos, le calme où tout s’aplatit, s’uniformise ; C’est le refus de l’action pour l’énergie qui veut s’étaler, s’allonger par paresse naturelle mais l’énergie recèle en elle-même la force qui va l’agiter, la secouer, la sortir de sa torpeur pour se réveiller et agir contre la volonté de désunion.

Il y a en quelque sorte un perpétuel affrontement entre la tendance à la continuité exprimée par l’espace et le néant et un besoin de discontinuité représenté par « h » l’action minimum. Ce « h » qui ne peut se fractionner est d’origine pulsatoire. Il représente le plus petit cycle possible car un cycle ne peut lui aussi se diviser. Le néant serait le plus long cycle possible, c’est-à-dire la platitude parfaite jamais atteinte. Les cycles de la nature sont des sommes de cycles « h » qui sont représentés par les champs.

Pourquoi ce cycle « h » existe-t-il en regard du néant ? Poser la question c’est le nier. Il est tout simplement là, au delà du temps qui le conserve. Il ne s’est jamais éteint. C’est la dernière petite lueur avant l’extinction. Leur grand nombre a produit la vie, l’effet statistique et les lois qui en découlent et figurent la tendance à l’équilibre. Les pulsations de l’univers font osciller le fléau d’une balance qui voudrait bien se stabiliser mais est constamment dérangée dans sa recherche de l’inaccessible équité par le moindre effort.

Le saut quantique «h» par-dessus le néant peut se justifier par un raisonnement qualifié à tort de vicieux. Le néant et l’action minimum ne peuvent être admis qu’en considérant qu’ils dépendent l’un de l’autre. Il s’auto-génère par un cercle qui tourne perpétuellement, indifférent au temps. L’un nourrit l’autre. Nous voulons le raisonnement déductif par l’enchainement des causes et effets. Mais c’est introduire le temps destructeur. Le raisonnement circulaire ne s’embarrasse pas du temps. Il n’est pas linéaire, il tourne éternellement en rond. Si comme le serpent il se mord la queue c’est pour s’en nourrir et se régénérer.

Le monde est diallélique. Il n’est dialectique que par un ensemble de dialleles. La fameuse raison ne mène qu’à l’aporie. Elle ne peut que se refermer sur elle-même. Des siècles de raisonnement n’ont abouti à aucun résultat. Ni la philosophie, ni la science n’ont donné la clef espérée par le savoir absolu hégélien. On revient toujours sur ses pas. Alors pourquoi ne pas accepter le diallele comme quelque chose ayant toujours existé et ne pouvant disparaitre. Les anciens croyaient à l’éternelle ronde des sphères. L’univers n’est en fait qu’une ronde sans fin de cycles : n’oublions pas que la sinusoïde est engendrée par le cercle. Le cercle n’a pas d’origine. On ne sait, comme la poule et l’œuf, comment cela a commencé et comment cela finira. Participons à la ronde et tournons jusqu’à s’étourdir sans espoir de voir jamais le bout du tunnel. La ronde infernale est rythmée par les harmoniques d’un son fondamental inerte qui n’ont qu’une existence probable.

Les inégalités de Heisenberg nous apprennent qu’énergie et temps ou quantité de mouvement et espace sont corrélés. L’énergie ne peut être nulle et sa manifestation par le temps ne peut être inferieur à h pour l’énergie linéaire et h/2π pour l’énergie rotative. On ne peut être précis sur la mesure d’une quantité conjuguée qu’aux dépens de celle qui lui est liée. Ceci illustre le combat entre la continuité et la discontinuité. L’énergie n’est jamais parfaitement étale, donc uniforme et continue. Elle ne peut se manifester que par sauts contrairement à ce que pensait Leibniz c’est bien là aussi l’expression d’un diallele. L’énergie ne peut être sans le temps et vice versa. La précision de la mesure tourne en rond. Energie et temps sont en perpétuelle symbiose comme l’ensemble des êtres vivants. En fait tout se regarde dans un miroir en renvoyant l’image de l’autre. De cette frénésie d’accouplements où l’un est dépendant de l’autre et ne peut vivre sans lui, naissent les êtres. Cela fait éclore la rose. Mais la rose est sans pourquoi comme le diallele.

 

 

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